Des étudiants, des professeurs et le recteur de l'Université latino-américaine des Sciences médicales parlent sur ce centre dont les premiers étudiants terminent leurs études l'an prochain. Ils commentent le niveau élevé de la pratique professionnelle qui caractérise ce centre, notamment à partir de la troisième année du cursus.
Ils viennent des communautés oubliées des Amériques qui subsistent difficilement dans les montagnes, dans la jungle, le long des rivières, qui habitent des petits villages isolés. Ils restent liés à leurs familles, à la terre qui produit le maïs dont les leurs se nourrissent. Ils découvrent, en même temps, la distance, la nostalgie et Cuba. Le début de l'année 1999 a vu la mise en œuvre, près de La Havane, d'un nouveau projet. L'ancienne École de la Marine devenait l'École latino-américaine de Médecine (ELAM) pour accueillir 1 993 étudiants de 18 nationalités. Les premiers arrivants venaient de l'Amérique centrale dont plusieurs pays avaient été touchés par des ouragans. Aujourd'hui, l'École latino-américaine de Médecine compte 8 447 étudiants. Ceux qui font la troisième et la cinquième année d'études travaillent dans les 21 facultés cubaines de médecine et les hôpitaux des diverses provinces cubaines où elles sont situées. Plusieurs de ces étudiants ont livré à GI des expériences qui ont marqué leur vie. En août 2005, les membres du premier groupe rentreront dans leurs pays respectifs avec leur diplôme de médecin. Cette première fournée de médecins issus de l'ELAM sera composée de 1 380 jeunes de 19 nationalités, dont un des États-Unis, arrivé en 2001, qui a pu valider plusieurs matières.
École latino-américaine de Médecine (ELAM)
LE MIEUX QUI AIT PU NOUS ARRIVER Ledesma Liset Arita, 18 ans, fait partie des premiers arrivants. Elle vient d'un petit village du département de Santa Barbara, au Honduras, où une montagne marque la source des eaux thermales qui font la fierté des habitants de la région. Cette jeune Hondurienne, qui ne s'était jamais éloignée de ses parents, nous dit pourtant qu'elle n'a pas hésité quand il a été question de venir faire ses études: "Cuba a une excellente réputation en ce qui concerne la qualité de l'enseignement. Je ne pouvais pas me laisser vaincre par la nostalgie." Comme tous ses compatriotes de la cinquième année, elle fait ses études au C.H.U havanais Calixto Garcia. Les futurs médecins honduriens y suivent des conférences, ils accompagnent les médecins pendant les visites quotidiennes et assurent des tours de garde avec le personnel de ce centre hospitalier. "La méthode appliquée pour l'apprentissage est très bonne, elle pousse l'étudiant à parfaire ses connaissances puisqu'ils sont évalués en permanence et il y a constamment des séminaires, des ateliers et des examens. J'ai été aussi impressionnée toutes ces années par l'attention que les professeurs nous accordent, par leur désir de nous transmettre leurs connaissances" , nous dit Ledesma Liset. Elle précise que, en dehors même des études, cette expérience est enrichissante sur le plan personnel dans la mesure où "nous avons appris à vivre avec des gens de cultures différentes, à comprendre ces dernières, à être plus indépendants et plus responsables". Tomas Bardales, un autre étudiant, résume ces cinq années comme "une période merveilleuse. On a contribué à notre formation en tant qu'individus. Nous sommes arrivés ici à un âge où on commence à consolider les idéaux, la personnalité, et je crois que le mieux qui ait pu nous arriver est d'être venus à Cuba, un des pays les plus prestigieux dans le domaine médical en Amérique et dans le monde". Les étudiants du Honduras et du Guatemala étant les plus nombreux, après ceux du Nicaragua, ils ont été envoyés, à partir de leur troisième année d'études, dans les divers CHU de La Havane. Ceux des autres nationalités ont été distribués dans les CHU des autres provinces. Quelque 200 Guatémaltèques font actuellement la cinquième année. L'un d'entre eux, Guillermo Barrios, 24 ans, envisage le retour comme une épreuve: "Les amis que nous avons laissés chez nous auront changé, nous les retrouverons mariés, en train de travailler. Bien sûr, notre séjour ici nous a donné une vision différente de la vie et j'espère qu'elle nous aidera à mieux nous insérer dans nos propres sociétés. Il y a non pas une mais plusieurs familles cubaines qui vont me manquer, les amis cubains, votre société, la manière d'être des Cubains, leur amabilité et leur hospitalité". Guillermo et son compatriote Tomas expriment leur reconnaissance infinie envers Cuba et les Cubains: "Ils nous ont donné ce qu'on ne trouve nulle part ailleurs; ils nous ont logés, nous ont nourris, nous ont donné les livres, les études, tout". C'est également l'avis de la Chilienne Magdalena Brito qui, à Cienfuegos, a fait de nouveaux amis et a acquis l'expérience nécessaire à l'exercice de la médecine en travaillant aux côtés des spécialistes des deux principaux hôpitaux de cette ville, qui se trouve à plus de 200 kilomètres de La Havane. Si son regard s'assombrit quand elle parle du retour, prévu pour l'an prochain, elle sait en revanche que dans son village froid et oublié du sud du Chili, où elle est née, elle sera à même d'aider les habitants de cette région, où les médecins sont rares.
UN INVESTISSEMENT EN CAPITAL HUMAIN
Le Dr Juan Carrizo compte une bonne trentaine d'années de travail dans le monde de la médecine et de l'enseignement de celle-ci, dont cinq consacrées à l'École latino-américaine de Médecine. Il en est le recteur et il assure qu' "il n'y a pas que les étudiants qui y ont appris quelque chose" dans ce centre. Quand il est question des étudiants qui auront leur diplôme l'an prochain, le recteur de l'ELAM affirme: "S'ils ont grandi ici, nous avons grandi avec eux puisque nous avons appris des choses que nous n'aurions jamais imaginées sur le monde dont ils proviennent. Même si on peut lire sur leurs pays, ce n'est pas pareil que d'apprendre à ressentir avec eux leurs angoisses, de connaître leurs expériences et les problèmes existant dans leurs pays d'origine. Leur comportement même correspond, à certains moments, aux carences qui ont marqué leur vie, aux lacunes de leur éducation ou de leur formation". "Nous les avons vus recevoir une formation appropriée, acquérir les valeurs humanistes et éthiques propres à la profession médicale, apprendre la solidarité puisqu'ils se sont formés dans les principes de nos médecins et, quand ils auront terminé leurs études, ils suivront le but de ce projet. Ils ont, pour la plupart, pris un engagement important: celui d'apporter leur aide à leurs communautés, de retourner dans les régions dont ils proviennent" , précise le recteur Carrizo. En ce qui concerne la reconnaissance de leur titre, le recteur signale que des progrès ont été atteints auprès de certaines universités latino-américaines et des accords bilatéraux ou gouvernementaux ont été passés, notamment avec le Venezuela, l'Équateur, la Bolivie, le Guatemala et le Honduras. Cela va même dans le sens des intérêts de leurs gouvernements dans la mesure où il s'agit d'une masse de jeunes ayant une bonne formation, d'une ressource humaine permettant de réaliser les transformations nécessaires dans le domaine de la santé, d'un investissement en capital humain dont leur fait don notre pays."
Recteur Juan Carrizo Estévez
CEUX QUI COMMENCENT
Nelson Aicaire est Uruguayen. Il transporte en permanence son petit thermos de mate, infusion dont il raffole depuis l'âge de douze ans. Aujourd'hui, il en a 23 et il fait sa deuxième année à l'École latino-américaine de Médecine. "Le niveau du cursus est excellent. Si on le compare aux cursus médicaux d'autres pays, celui-ci consacre beaucoup plus de temps à la pratique, l'étudiant est plus proche du patient et l'on accorde beaucoup plus d'importance à l'aspect social du travail médical. En première année nous avons passé cinq semaines à travailler sur la Médecine générale intégrale en allant dans les consultations des médecins de quartier" , nous explique Nelson. Que pense-t-il faire quand il aura son diplôme? "J'ai grandi dans un orphelinat. Je veux travailler avec ces enfants-là car je sais que les soins médicaux ne sont pas les meilleurs dans ce type d'établissement. Ensuite, j'aimerais aider les habitants des quartiers pauvres de Montevideo. Ce sont des gens qui mangent un jour sur deux¼" D'après Nelson, la santé publique y est totalement déficiente. Et pour avoir accès à la médecine privée, il faut y consacrer en moyenne 200 à 300 dollars US par mois, sans compter les prix des médicaments. Sartoma Sefa-Boakye a des ancêtres africains. Ses parents ont quitté le Ghana il y a trente ans pour s'installer aux États-Unis, où elle est née. Elle a commencé ses études de médecine à l'université de Los Angeles, mais les poursuivre était extrêmement difficile. "Pour faire des études de médecine il faut débourser de 25 à 30 mille dollars par an", précise-t-elle. Sartoma est venue à Cuba il y a deux ans. Son père avait lu un reportage sur l'École latino-américaine de Médecine, paru dans le journal Los Angeles Times à l'occasion d'une visite de l'ex-président James Carter, et elle avait contacté le révérend Lucius Walker, leader des Pasteurs pour la Paix, qui dirige un comité chargé de sélectionner les jeunes nord-américains qui aspirent à obtenir une bourse pour l'ELAM. "Les médecins cubains sont particulièrement habiles sur le plan clinique car ils sont capables de faire un diagnostic juste sans équipement et sans instruments. Dans les pays comme les États-Unis, le personnel médical est très dépendant de l'informatique à l'heure de faire un diagnostic" , signale Sartoma. Elle explique par ailleurs que 80% des habitants de son quartier de Los Angeles n'ont pas de sécurité sociale. C'est avec eux que Sartoma entend travailler à son retour. L'ELAM, c'est ainsi que les étudiants eux-mêmes appellent l'École latino-américaine de Médecine, est devenue le centre de leur vie. Joel José Caraballo, qui vient de l'État de Sucre, au Venezuela, avait toujours rêvé de devenir médecin. Sa famille vit dans une commune suburbaine peuplée essentiellement de descendants des populations amérindiennes. Joel explique que les rares médecins de la région pratiquent des prix trop élevés pour leurs services. Il pense que "le projet de l'ELAM est très important en raison de la situation qui subsiste en Amérique latine" car "il représente une solution fondamentale pour le déficit de médecins et les carences sanitaires de la région."
Une attention personnalisée MAYRA Sanchez Martin est professeur à l'École latino-américaine de Médecine depuis sa fondation. "C'est une expérience nouvelle, unique, assure-t-elle. On a parfois des étudiants de 22 pays dans une seule classe." "Ceux qui ont des difficultés, que ce soit des problèmes d'adaptation ou dans l'apprentissage, bénéficient d'une attention personnalisée de la part des psychopédagogues du Département d'orientation et de développement des étudiants" , relève Wally Parraño, méthodologue, professeur titulaire et consultante en Psychologie médicale. Tito Diaz Bravo, docteur en sciences techniques, professeur de biostatistique et d'informatique, déclare qu'il est "particulièrement intéressant de travailler en fonction de la composition sociale, du caractère hétérogène des classes. Certains étudiants ont une formation appropriée; chez d'autres, elle est déficiente; beaucoup ont besoin de soutien sentimental à cause de l'éloignement d'avec leur famille. Mais ces difficultés sont résolues peu à peu. Ce travail nous permet d'avoir la satisfaction de les guider dans l'apprentissage qu'ils doivent suivre nécessairement pendant ces premières années d'adaptation à un nouveau cadre de vie."
La Havane. 28 Mai 2004 PAR MARELYS VALENCIA, de Granma international
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